Vendredi 4 mai
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8 h 45
11 / Séance plénière
9 h – 11 h

Penser le numérique dans les mutations de la culture et des médias

SH-3420 | Animation : Anouk BÉLANGER, Professeure, UQAM / Chercheure, CRICIS
Intervenants : Edgard REBOUÇAS, Philippe BOUQUILLION, Arnaud ANCIAUX et Philippe LE GUERN
Quel trait historico-épistémologique pour les études des mutations de l'industrie culturelle et médiatique ?
Edgard REBOUÇAS, Professeur, Universidade federal do Espírito Santo, Vitoria / Chercheur, CNPq
Dans les années 1970/1980, l’ouvrage Capitalisme et industries culturelles réunissait des chercheurs qui voulaient dépasser la conception éthico-philosophique de la notion d’industrie culturelle formulée dans les années 1930/1940. Cet ouvrage portait une attention toute particulière à la dimension socio-économique des phénomènes culturels et médiatiques du moment. Quarante ans plus tard, nous cherchons à notre tour à comprendre comment les mutations dans les logiques des industries culturelles et médiatiques sont abordées par les chercheurs de ce champ. Cette communication vise, en s’appuyant sur une approche critique, à identifier les traits épistémologiques existants entre les analyses d'Adorno, Benjamin, Brecht et Horkeimer, en passant par celles de Bustamante, Flichy, Miège, Tremblay et Zallo, et enfin celles de Bouquillon, George, Ménard et Hesmondhalgh. L'hypothèse défendue ici est que, même en raison de la vitesse de l'avancement des objets étudiés, l'approfondissement des problématiques sociales, économiques, politiques et culturelles doit continuer à servir de base à l’analyse de mutations aussi complexes.
Les plateformes numériques dans les industries culturelles : le cas de l'audiovisuel entre flux transnationaux et cadre national
Philippe BOUQUILLION, Professeur, Université Paris Nord / Chercheur, LabSIC
Après des rappels théoriques sur la question des plateformes numériques offrant des produits culturels, la communication sera centrée sur l'étude des enjeux du déploiement des plateformes dans l'audiovisuel en Europe d’un triple point de vue : - celui de la production des œuvres audiovisuelles et cinématographiques (de nouvelles ressources? pour quels genres d'œuvres?) - celui des rapports entre acteurs historiques nationaux (Canal Plus en France) et acteurs transnationaux issus des industries du numérique (Amazon Prime Video par exemple) ou non (Netflix) ; - et celui de la capacité des politiques publiques nationales à faire face aux nouvelles formes de transnationalisation de l’offre. Ainsi, la question des plateformes dans l’audiovisuel sera replacée dans deux questionnements centraux dans les travaux sur les industries culturelles : les rapports entre les capitalismes des industries de la culture et de la communication transnationaux et nationaux, d'une part, et les rapports entre flux transnationaux et production nationale d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles, d'autre part.
Oublier l’industrie : les mobilisations du numérique pour redéfinir les échanges marchands autour des pornographies
Arnaud ANCIAUX, Professeur, Université Laval / Chercheur, CRICIS
Notre communication prend pour objet certaines transformations qui traversent les industries de la pornographie à l’occasion de la numérisation d’une très large partie de ses activités et pratiques de production, d’édition et de distribution, et ayant contribué à changer à la fois la portée et la nature des contenus culturels concernés. Loin d’être neutre, cette numérisation a été pour certains acteurs le véhicule d’une transformation des rapports de force socio-économiques entourant marchés et industries de la pornographie. Elle a ainsi pu ouvrir la voie, dans une dynamique conjointe, à la fois à la constitution d’un oligopole mondial dans l’édition et la distribution et au développement d’échanges marchands se construisant et revendiquant comme extérieurs aux logiques industrielles. Nous tâcherons alors de comprendre quels sont les modèles socio-économiques à l’œuvre dans ces mutations spécifiques, en proposant notamment de les saisir comme des transformations symptomatiques de la numérisation généralisée de la société.
De la discomorphose à la musimorphose : remarques sur les transformations du champ musical en régime numérique
Philippe Le GUERN, Professeur, Université de Nantes / Chercheur, Centre Atlantique de Philosophie
Dans cette contribution, je m’emploierai à caractériser les principales mutations induites par le virage numérique dans le champ musical, qu’il s’agisse des pratiques de consommation et des usages chez les publics, du travail artistique, ou encore de la structure de l’industrie musicale et de la construction de la valeur. La question à laquelle je tenterai de répondre est celle de savoir si le numérique a constitué ici un facteur de disruption radicale par rapport à l’ère analogique, ou si le passage du vinyl au fichier MP3 ou encore du studio d’enregistrement à bandes au home-studio, supposés refléter un processus de dématérialisation des œuvres, s’inscrivent dans un processus continuiste, reproduisant des effets de structure finalement identiques.
12 / Séances en parallèle
11 h 15 – 12 h 45

Nouvelles pratiques culturelles numériques : réalités et enjeux

SH-2420 | Animation : Philippe BOUQUILLION, Professeur, Université Paris Nord / Chercheur, LabSIC
Intervenant·e·s : Séverine BARTHES, Michèle RIOUX, Destiny TCHÉHOUALI, Sylvain MARTET
De quoi la série originale Netflix (Netflix Originals) est-elle le nom ?
Séverine BARTHES, Maîtresse de conférences, Université Paris Sorbonne-Nouvelle / Chercheure, CEISME-ICCA
Si on a beaucoup glosé sur les spécifiés des séries originales Netflix, en mettant en avant les succès de House of Cards ou de Stranger Things et en s’appuyant sur la communication de l’entreprise (qui ne communique cependant aucun chiffre précis de visionnement, seulement le nombre d’abonnés), on se rend beaucoup moins compte des difficultés de production auxquelles Netflix doit faire face dans sa conquête de nouveaux marchés. Pour y arriver, Netflix propose dans les marchés hors États-Unis, sous la même bannière Netflix Originals que pour ses séries proprement originales, une syndication de contenus issus de la télévision « traditionnelle », avec notamment un schéma de mise à disposition spécifique (un épisode par semaine alors que ses propres séries sont rendues disponibles saison par saison). Ce faisant, Netflix peut non seulement écorner son image de marque, mais aussi montrer ses propres faiblesses. Ainsi, la réelle « révolution numérique » proposée par Netflix relève plus d’une question de diffusion/distribution que de production/programmation, la condamnant peut-être à ne jamais égaler ses rivales télévisuelles.
La découvrabilité des produits culturels numériques : un enjeu de recherche et de politique publique
Michèle RIOUX, Professeure, UQAM / Chercheure, CEIM
Destiny TCHÉHOUALI, Postdoctorant, UQAM / Chercheur, ORISON 
Pour adapter nos politiques culturelles afin de retrouver un meilleur équilibre et une meilleure cohabitation entre l’offre culturelle globale et l’offre locale, il importe de comprendre la nature des transformations des industries culturelles à l’ère du numérique et d’en évaluer les effets négatifs et positifs sur les plans économique, juridique et politique. Le problème est que nous ne disposons pas de données sur lesquelles fonder nos réponses politiques.  Selon un rapport de l'Institut de statistique de l'UNESCO (ISU, 2016), l’accélération des échanges commerciaux de biens et services culturels dématérialisés (musique,  films, livres ou journaux) rend de plus en plus complexe l’obtention de données sur les flux transnationaux culturels. Un colloque organisé à HEC Montréal (mai 2016) par l’Institut de statistique de l’UNESCO et l’Observatoire de la culture et des communications du Québec a permis de constater la remise en cause  de la pertinence des statistiques actuelles sur la culture.  C’est dans ce contexte que ce projet répond à un besoin urgent identifié par de nombreux acteurs du milieu culturel et par plusieurs chercheurs quant à l’importance de générer de nouvelles formes de mesure adaptées à la circulation des flux de produits et de contenus culturels dans l’environnement numérique. Il est urgent de développer de nouvelles approches et de créer de nouveaux indicateurs pour mesurer l’impact des plateformes transnationales de diffusion de contenus culturels sur la consommation et sur l’économie de la culture au niveau national/local. Le défi ici est double. D’abord, il est de plus en plus difficile de dresser un portrait précis des facteurs qui influencent la découverte, l’accès et la consommation des contenus culturels locaux diversifiés sur les plateformes numériques, en particulier celles qui diffusent et distribuent en ligne des produits et contenus musicaux et audiovisuels. Ensuite, la délimitation des statistiques officielles par territoire et par secteur répond à des méthodes traditionnelles de mesure des produits culturels qui s’appliquent mal dans le nouvel environnement numérique. Toujours est-il qu’à l’ère du Big Data, il est possible d'améliorer la compréhension du fonctionnement des algorithmes numériques et de mesurer leurs effets prescriptifs sur la présence et la visibilité de différents types de produits ou de contenus culturels à partir d’opérations de fouille et d’extraction de données sur les catalogues des nouvelles plateformes de diffusion culturelle. Notre  recherche vise à combler le manque de données et d’analyses sur le commerce électronique de produits culturels, grâce à l’élaboration d’un nouvel indice de découvrabilité des produits culturels numériques québécois sur les plateformes du Web au Québec et ailleurs dans le monde. Cet indice sera créé sur la base d’indicateurs de mesure de la présence et de la visibilité de produits musicaux et audiovisuels québécois dans les catalogues québécois et internationaux de quatre entreprises du Web, notamment Netflix, Spotify, iTunes/AppleMusic et Youtube. Cet indice de découvrabilité permettra aux acteurs du milieu et aux décideurs de mieux comprendre les impacts du numérique sur les milieux culturels et de mieux orienter leurs stratégies et leurs politiques afin d’assurer une plus grande diversité des expressions culturelles. 
La diffusion musicale en amateur sur YouTube
Sylvain MARTET, Doctorant, UQAM / Chercheur, CRICIS
Apparu en 2005 comme service destiné à permettre le partage et la circulation de vidéos, YouTube n’avait pas pour vocation de devenir un joueur majeur dans la musique en ligne. Treize ans plus tard, c’est pourtant le cas. Ce développement ne s’est pas fait sans heurts avec l’industrie musicale, il ne s’est pas non plus réalisé sans impacts sur les pratiques des membres du réseau. Au coeur des tensions: le respect des droits d’auteurs et la monétisation des contenus musicaux. S’il existe aujourd’hui plusieurs outils et actions de régulation, tant chez YouTube que chez les différents acteurs de l’industrie, une exploration des contenus montre la persistance de la présence en ligne de contenus musicaux postés par des tiers n’en détenant pas les droits. Cette communication visera d’abord à décrire les différents cas de figure de cette forme de diffusion musicale réalisée en amateur, puis à s’interroger sur les motivations de ces contributeurs.

Éducation, médias et numérique : quelles transformations

SH-R810 | Animation : Arnaud ANCIAUX, Professeur, Université Laval / Chercheur, CRICIS
Intervenant·e·s : Cathia PAPI, Marie DAVID et Aicha ZENIRA
De la numérisation généralisée de la société à la généralisation du numérique dans l’éducation ?
Cathia PAPI, Professeure, Université TÉLUQ
Les recherches portant sur les usages des technologies en salle de classe font généralement ressortir que les pratiques technopédagogiques d’enseignement et d’apprentissage évoluent peu. Cependant, la diffusion des technologies numériques dans la société est telle qu’elle semble progressivement pénétrer voire redéfinir les pratiques éducatives. En nous appuyant sur deux études de cas portant sur l’éducation primaire et secondaire, nous mettrons en avant le fait que si la généralisation du numérique visée n’est pas encore de mise malgré la richesse des stratégies et moyens déployés, des évolutions réelles sont permises grâce aux approches ne visant pas tant la mise à disposition d’équipement que le changement de paradigme pédagogique.  
L'effet de la numérisation sur les savoirs à l'université : une étude de pratiques collaboratives étudiantes
Marie DAVID, Professeure, Université de Nantes / Chercheure, Centre Nantais de Sociologie (CENS)
À partir de l’étude de pratiques numériques d’étudiants de première année, cette communication s’intéresse à la façon dont les usages numériques transforment les savoirs universitaires appris. La présentation s’appuie sur une enquête sociologique de terrain, s’inscrivant dans la tradition interactionniste, qui a consisté à observer, dans une université d’une grande ville de l’ouest de la France, deux groupes d’étudiants, en physique, en chimie et en sociologie. Les groupes d’étudiants enquêtés travaillent les savoirs de façon collective, à travers l’usage de plateforme et de réseaux sociaux numériques. Ces pratiques, très répandues dans les groupes enquêtés, modifient les savoirs qui sont appris, mais ont également des effets indirects sur l’activité enseignante.
Les TIC et le numérique face au défi des représentations
Aicha ZENIRA, doctorante, Université Ibn Zohr / Chercheure, Membre du laboratoire LARLANCO
Au Maroc, la numérisation de la formation professionnelle qualifiante des enseignants est en phase d’initiation. Cependant, cette numérisation se trouve confrontée au défi des représentations de l’intégration pédagogique des TIC et du numérique chez les acteurs pédagogiques de la formation. Cette étude tente, à travers une lecture critique, de comprendre ces représentations, de les analyser et de proposer des perspectives nouvelles susceptibles de favoriser une intégration pédagogique optimale des technologies et du numérique dans les pratiques professionnelles des formateurs et des formés. Le cas, objet de notre étude, est le Centre Régional des Métiers de l’Education et de la Formation de la région Souss-Massa au Maroc.

Usages du numérique par les mouvements sociaux : des moyens aux finalités

SH-3220 | Animation : Oumar KANE, professeur, UQAM, chercheur, CRICIS
Intervenantes : Christelle COMBE, Ghada TOUIR et Renée LIKASSA
Quand le technogenre de discours « vlogue » éduque à la politique : le cas français d’« Osons causer »
Christelle COMBE, Maîtresse de conférences, Université d’Aix Marseille / Chercheure, Laboratoire Parole et Langage
A l’ère du numérique, avec l’avènement du web social et l’essor des plateformes interactives multimodales (Herring, 2015) comme YouTube, de nouveaux genres ont émergé (Barton and Lee, 2013). Ces technogenres de discours (Paveau, 2017) possèdent non seulement une dimension composite, issue d’une coconstitution du langagier et du technologique, mais également une dimension sociologique. Ainsi, des internautes amateurs s’emparent de l’information politique et la vulgarisent dans des vlogues auprès de leurs abonnés ouvrant la voie à une forme alternative citoyenne de journalisme éducatif politique. C’est le cas de la chaîne YouTube française « Osons causer ». Dans cette recherche, on cherche à caractériser le technogenre de discours « vlogue » à partir des récents concepts de l’analyse du discours numérique, comme l’écriture numérique, la technologie discursive et la relationalité (Paveau, 2017) et à voir dans quelle mesure il reconfigure l’éducation à la politique et le débat citoyen entre les internautes.
Numérisation et engagement citoyen pour l’environnement : nouvelles tendances
Ghada TOUIR, chercheure post-doctorale, UQO, chercheure Chaire UNESCO DCMÉT
Dans le contexte actuel d’une « numérisation généralisée de nos sociétés », axée sur « l’informatisation », la collaboration, le partage, le réseautage et le développement de liens entre des centaines de millions d’usagers, nous assistons à de nombreux changements dans les pratiques d’action des acteurs sociaux de la société civile en matière d’environnement. Notre communication présente une réflexion spécifique sur ces pratiques émergentes en matière d’éducation, d’action à l’environnement et d’écocitoyenneté et s’ancre sur les résultats d’une observation en ligne tirés d’une étude empirique multi-méthodes sur l’engagement numérique par des militants environnementaux au Québec, dans le contexte des nouvelles tendances et pratiques écocitoyennes d’éducation contemporaine, de participation et d’action en ligne.
Les cyberactivistes et le « mouvement de la résistance » pour la démocratie au Gabon : une pluralité de pratiques info-communicationnelles dans des contextes sociopolitiques situés
Renée LIKASSA, Doctorante, Université Bordeaux Montaigne / Chercheure, MICA
Les mouvements militants utilisant les technologies de l’information et de la communication ont pris leur essor au Gabon depuis les élections présidentielles anticipées d’août 2009. À l’initiative de jeunes gabonais portants un discours novateur, ces pratiques se sont progressivement répandues sur le territoire national conjointement par la vulgarisation des technologies mobiles (téléphones intelligents et tablettes) et l’amélioration de la connexion au réseau Internet mobile (3G/4G). Au travers de publications sur les réseaux sociaux Facebook et Youtube et de messages Whatsapp à large diffusion, nous analyserons successivement les discours des cyberactivistes, les enjeux de cette forme de militantisme et ses particularités dans le contexte culturel, social et politique du Gabon.
13 / Séance plénière
14 h – 16 h

Subjectivité et représentation de soi à l'ère numérique

SH-3420 | Animation : Fabien GRANJON, Professeur des Universités, Université de Paris 8 / Chercheur, CEMTI
Intervenant·e·s : Laurence ALLARD, Dominique CARRÉ, Jean-Pierre ESQUÉNAZI, Julien RUEFF
Travailler à être soi-même: extension du domaine de la publicité de soi à l'âge du talent numérique (Youtube, Snapchat, Instagram, etc.)
Laurence ALLARD, Maitresse de conférences, Université de Lille 3 / Chercheure, IRCAV
Cette communication interroge les mutations culturelles de la numérisation contemporaine. Elle analyse l'économie créative des plateformes socionumériques et des applications de messagerie sociale (Youtube, Snapchat etc). Cette analyse porte sur les acteurs de cette économie créative (talents, marques, agents) mais aussi sur ses actants (fonctionnalités type « tap », filtres géolocalisés etc.). Basée sur un travail de terrain associant corpus de contenu audio-scripto-visuels d'entretiens avec des professionnels, elle interroge in fine l'horizon culturel formé à travers cette production volontaire instrumentée émanant des dits « talents numériques ». Seront soulevées, d'une part, des questions internes à l'histoire de la culture à l'ère numérique en réinscrivant la catégorie de « talent » dans une lignée lexicale (« génie », « artiste » ou « créateur »). D'autre part, seront abordées des questions méta-sociales portant sur les relations entre identité, travail et numérisation à travers la problématique d'un "devenir marque des individus" vécue par certains « talents » comme un travail en soi et vendu comme tel par les agents de l'économie créative.
Entre offre et usages du numérique. Entre attention et intention. Éléments pour une écologie de la sollicitation
Dominique CARRÉ, Professeur des Universités, Université de Paris 13 Nord / Chercheur, LabSIC
Jusqu’à une période récente, l’orientation majeure des recherches consistait en matière d’informatisation sociale à questionner conjointement (ou non) la constitution de l’offre, la mise en marché, la construction des usages et la diffusion des TIC. L’étude de la numérisation généralisée semble requérir d’autres orientations. Deux principales en ressortent. La première, s’inscrit dans l’économie de « l’attention » (Simon, 1989), base du commerce en ligne. La deuxième propose en réponse une économie de « l’intention » (Searls, 2013) afin que le consommateur reprenne la main sur ses données, entre autres. Toutes deux ne rendent pas compte de l’importance de l’hyperconnectivité et de l’opulence relationnelle. Nous souhaitons pour cette raison esquisser une autre perspective : une écologie de la sollicitation. Approche critique permettant d’articuler conjointement dimensions économique, sociale mais aussi environnementale des sollicitations incessantes et productives en provenance des industriels de la communication, des annonceurs, des collectifs les plus divers, sans oublier de tout à chacun.
Engagement et espace de l’apparaître aux temps numériques
Jean-Pierre ESQUÉNAZI, Professeur des Universités, Université Lyon 3 / Chercheur, ERSICOM
Le sujet traité est évidemment décisif : mesurer l’effet de la numérisation apparaît indispensable, notamment en ce qui concerne l’effritement des médias « traditionnels » (en comptant la télévision, qui n’est pas étudiée depuis si longtemps). Je voudrais m’intéresser ici à certains effets politiques. En effet, l’espace public est bousculé aujourd’hui jusqu’à la manipulation. La vérité est maltraitée, voire ignorée, ce qui dans « une culture de l’information » apparaît paradoxal : l’illusion selon laquelle nous allions pouvoir tout savoir, tout connaître, est encore maintenue, malgré les évidences actuelles. C’est oublier les démonstrations des philosophes selon lesquels amener une vérité au jour est un travail difficile et toujours complexe. Que devient l’espace public aux temps numériques me semble être une question d’importance.
Processus de subjectivation politique et technologies de communication numériques
Julien RUEFF, Professeur associé, Université Laval / Chercheur associé, CRICIS
Parce qu’elles autoriseraient l’expression de nouvelles paroles, faciliteraient l’émergence de publics (ou de contre-publics) ou créeraient les conditions d’une valorisation intersubjective des contributions personnelles, les technologies de communication numériques semblent affecter les processus de subjectivation politique, en concourant à la formation de manières inédites « d’être politique ». Nous discuterons, en l’occurrence, des difficultés posées par l’attribution de propriétés politiques à ces processus de subjectivation. Nous analyserons les problèmes, d’une part, de l’articulation entre ces phénomènes de subjectivation et la dimension collective de la vie politique et, d’autre part, de leur potentialité transformatrice dans les rapports de force entre les groupes sociaux.
14 / Séances en parallèle
16 h 15 – 17 h 45

Militantisme et engagement politique sur les réseaux socionumériques : un phénomène international ?

SH-2420 | Animation : Laurence ALLARD, maitresse de conférences, Université de Lille 3 / Chercheure, IRCAV
Intervenant·e·s : Alexis CLOT, Philippe-Antoine LUPIEN, Vanessa ESSONO
« On n'est pas des militants, on informe et surtout on veut rire. » Les créateurs de contenus politiques sur Youtube : un travail entre divertissement, militantisme et information
Alexis CLOT, Étudiant à la maîtrise, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne / Chercheur, Centre Européen de Sociologie et de Science Politique
A partir d’entretiens réalisés avec des créateurs de contenus politiques sur Youtube, nous tentons de mettre en relation les différents parcours de ces individus et leur acception ou non des codes du champ politique . On peut voir qu’il existe une ambiguïté entre une volonté partagée de tous, de s’émanciper des codes traditionnels du milieu médiatico-politique et une pratique quotidienne de leur métier finalement pas totalement nouvelle mais empruntant à la fois au journalisme, à la communication, au militantisme. Nous pouvons également percevoir cette ambiguïté dans la manière dont circulent ces productions. Cette pratique hybride crée alors des contenus politiques pas toujours assumés comme tels, mettant plutôt en avant des formes humoristiques et pédagogiques.
El Dia de la Música : des réseaux numériques à l'organisation politique lors du référendum catalan du 1er octobre 2017
Philippe-Antoine LUPIEN, Doctorant, UQAM / Chercheur, CRICIS
Le 1er octobre 2017, plus de 2 millions de Catalan·es ont participé à un référendum appelé par le parlement de la Généralité de Catalogne, mais jugé illégal par les autorités espagnoles. Malgré les interdictions et face aux contraintes, les organisations responsables de la mobilisation ont eu recours à de nombreuses stratégies visant à maintenir la mobilisation et assurer l’organisation du scrutin. Cette communication abordera certains des enjeux liés au numérique lors de cette crise politique.

Quelle vie privée, quelle vie publique à l'ère numérique ?

SH-R810 | Animation : Maude BONENFANT, Professeure, UQAM / Chercheure, CRICIS (GRISQ)
Intervenants : Julien ROSSI, André LEMOS, Martin BONNARD
L'hypothèse de la vie privée des Anciens et des Modernes
Julien ROSSI, Doctorant, Université de technologie de Compiègne / Chercheur, COSTECH
Le numérique participe aujourd'hui au dispositif de gouvernementalité de la société de contrôle (Deleuze, 1990) dans laquelle nous vivons. Ce dispositif a pour particularité l'implication active des personnes surveillées dans le partage de leurs données via des dispositifs d'affichage de soi (Carré et Panico, 2010), tout en professant un fort attachement à leur vie privée. Cette situation est souvent qualifiée de paradoxe de la vie privée (Acquisti et Gross, 2006). Mais que signifie « vie privée » ? De quelle vie privée parle-t-on ? La critique féministe a permis de fournir une définition plus précise de la conception traditionnelle de la vie privée (DeCew, 2015), et un travail sur un corpus de documents juridiques notamment relatif à l'émergence d'un nouveau droit, le droit à la protection des données personnelles. Cela nous permet de proposer l'hypothèse de la coexistence de deux définitions partiellement en conflit de la vie privée : celle des Anciens, et celle des Modernes, par analogie à la Liberté des Anciens et des Modernes de Benjamin Constant (1819). Cette hypothèse peut-elle expliquer une part du paradoxe de la vie privée ?
Sensibilité performative et vie privée dans l'internet des objets
André LEMOS, Professeur, Universidade federal da Bahia / Chercheur CNPq
L'Internet des Objets (IdO) est un réseau dans lequel les objets physiques sont instrumentalisés avec des capteurs et acquièrent des capacités de communication. A partir d'une agence algorithmique indépendante de l'action humaine directe, ces objets prennent des décisions liées au contexte, échangent des informations, reconnaissent les identités et déclenchement des actions sur un réseau étendu. Cette agence que je qualifie de « Sensibilité Performative » (SP) et est à la base des projets d'IdO. La SP est un acteur-réseau qui ne renvoie pas seulement à la qualité des capteurs intégrés aux objets, mais à la performance du dispositif dans un réseau plus large (discours technocratiques, stratégies de markéting, pratiques des usages, publicité, modèles d'affaires). Nous montrerons comment les menaces à la vie privée dans l'IdO circulent à partir de la SP des nouveaux objets.
Société civile et échanges en ligne : de quelques déterminants du numérique
Martin Bonnard, Doctorant, UQAM / Chercheur, CRICIS
Inspiré par les thèses de Maxime Ouellet (2011) sur l’idéologie de la gouvernance au sein du capitalisme avancé, il nous apparaît que les efforts déployés pour favoriser l’accès des acteurs de la société civile aux réseaux numériques peuvent aussi mener à une dégradation des opportunités de réalisation pour ceux qui les utilisent. Afin d’étayer notre propos, on mobilisera une vision des échanges en ligne, non pas comme un ensemble de signaux, mais comme rapports entre un milieu et l’information qui le traverse (Terranova, 2004). Cette approche nous amènera à considérer quelques aspects contingents de la matérialité du numérique (Thomas, 2013) et de la modulation des contenus (Thoburn, 2007) : la gestion de la circulation des données par les protocoles et les algorithmes de recherche et de recommandation (Mager, 2012; Renzi, 2015; Thomas, 2012) le rôle incontournable des plateformes (Gillespie, 2010; Hands, 2013; Helmond, 2015), ainsi que l’ordonnancement induit par ce type de mémoire technique (Stiegler, 1996, 2015).
15 / Mot de clôture
18 h

Numérisation généralisée de la société : que dire de plus ?

SH-3420 | Animation : Lena Hübner, doctorante, UQAM, chercheure, CRICIS

Conférenciers :

Éric GEORGE, Professeur, UQAM / Chercheur, CRICIS
Michel SÉNÉCAL, Professeur, Université Téluq / Chercheur, CRICIS